Le travail dissimulé : les risques de cette pratique illégale

Appelé tour à tour travail “au noir”, “au black”, “non déclaré” ou “clandestin”, le travail dissimulé existe depuis aussi longtemps que les premières réglementations ont été instaurées, c’est-à-dire, depuis des millénaires. Depuis l’Égypte ancienne jusqu’à nos jours, en passant par la Chine Impériale, la Grèce antique et l’Empire romain, le travail est encadré par des règles et des lois. En France, il dépend aujourd’hui du Code du travail.

D’où vient l’expression “travail au noir “ ?

Après la chute de l’Empire romain d’Occident au Ve siècle, la France entre dans le Moyen-Âge. Cette période est connue pour ses impôts et ses taxes (le cens, les banalités, la dîme, la taille…) mais beaucoup moins pour son organisation du travail. Selon Valérie Gontero-Lauze, maître de conférences au Centre Interdisciplinaire d’Études des Littératures d'Aix-Marseille, la période médiévale était régie par la religion catholique et, plus particulièrement, par les principes de la Genèse. La Bible stipule que Dieu a créé l'alternance du jour et de la nuit pour que les êtres vivants travaillent le jour et se reposent la nuit. Le fait de cesser toute activité à la tombée de la nuit n'était pas seulement un devoir moral, mais également une obligation légale. Ainsi, toute personne surprise à travailler dans l'obscurité, à la lumière d'une bougie, pouvait être soumise à une amende. À l’origine, l’expression “travail au noir” se référait littéralement à l'absence de travail à la lumière du jour. Au fil du temps, elle a évolué pour désigner un travail non déclaré, effectué en marge des lois officielles, ce qui correspond aujourd'hui au terme de “travail dissimulé”.

Le travail dissimulé, qu’est-ce que c’est ?

Depuis 2005, la législation française désigne le travail dissimulé sous le terme de "travail illégal" dans le Code du travail. Ce dernier définit cette pratique comme une "fraude majeure à l'ordre public social et économique". Les diverses formes de cette activité illégale peuvent inclure des personnes travaillant à leur propre compte (référencés dans les articles L8221-3 à L8221-4 du Code), des particuliers employeurs (article L8221-1), ou encore des entreprises (articles L8221-5 et L8221-6). Dans les cas de dissimulation d'activité, le travail illégal peut concerner une personne rémunérée pour une activité commerciale, de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services qui ne respecte pas volontairement ses obligations réglementaires. Cela inclut l'absence d'immatriculation professionnelle et la non-conformité aux déclarations sociales et fiscales requises. Aux yeux de la loi française, il s'agit d'un travailleur indépendant qui est soumis à des obligations spécifiques, détaillées dans les articles L8221-3 et L8221-6-1 du Code du travail. Cette forme de travail non déclaré représente une infraction aux normes établies, impactant non seulement l'ordre économique mais aussi la protection sociale des travailleurs. Il arrive également qu'un particulier fasse appel à une personne pour travailler chez lui tout en étant conscient que cette embauche constitue un travail illégal (n°3 de l'article L8221-1 du Code du travail). Cette situation l’expose à des risques juridiques significatifs, car elle enfreint les réglementations françaises sur l'emploi légal et la déclaration de travail. Pour une entreprise, la dissimulation d'activité salariée représente un refus de respecter les obligations légales imposées par l'État français concernant la gestion des employés. Ces obligations comprennent la réalisation d'une déclaration préalable à l’embauche, la déclaration des salaires ou des cotisations sociales, la délivrance d’un bulletin de paie ou d'un document équivalent, et la déclaration exacte du nombre d'heures de travail effectuées, tel que spécifié dans l'article L8221-5 du Code du travail. En clair, toute activité professionnelle doit être déclarée à l’État et ses institutions, que l’on travaille à son compte ou que l’on emploie quelqu’un.

Pourquoi y avoir recours ? Qui est concerné ?

Côté travailleur, les motivations peuvent être nombreuses. Quand cette situation n’est pas subie (employeur négligeant ou dans l’illégalité, situation irrégulière sur le territoire français…), l’idée est de gagner facilement et rapidement de l’argent, sans avoir de contraintes administratives ni d’impôt à payer. Un particulier qui a recours au travail dissimulé peut quant à lui penser “faire une bonne affaire”, s’éviter des démarches contraignantes ou même permettre à quelqu’un “d’arrondir ses fins de mois”, et ce, sans prendre le moindre risque. Pour une entreprise, l’objectif est de réduire ou d’éviter les charges patronales, c’est-à-dire les cotisations à verser en plus du salaire : caisse de retraite, allocations familiales, formation professionnelle, assurances maladie, chômage, accident du travail et maladie professionnelle…

Que dit la loi française ?

Dans le droit français, tout un chacun est responsable juridiquement puisqu’il est doté de ce qu’on appelle une “personnalité juridique”, c’est-à-dire “l'aptitude à être titulaire de droits et de devoirs”. Dans le monde du travail et de l’entreprise, la loi prévoit aussi deux types de statuts : la “personne physique” et la “personne morale”. Un employé, le client d’une société et un particulier-employeur sont des “personnes physiques”, c’est-à-dire des individus. Une entreprise ou une association sont des “personnes morales”, des structures officielles composées d’une ou plusieurs personnes physiques. Un travailleur indépendant peut quant à lui être l’un ou l’autre, selon le type de société qu’il a choisi de créer. Par exemple, une entreprise qui dissimule le travail d’un ou plusieurs employés peut recevoir une amende maximale de 225 000 € (article 131-38 du Code pénal) mais aussi de nombreuses autres sanctions : affichage/diffusion de la décision, fermeture du/des établissement(s), surveillance judiciaire, interdiction d’exercer une activité professionnelle, de percevoir des aides publiques (article L8224-5 du Code du travail et articles 131-38 et 131-39 du Code pénal)... C’est ici la “personne morale” qui est condamnée, la société qui a commis la fraude. En tant que “personne physique”, un particulier et la personne qui travaille chez lui risquent eux-aussi une condamnation pénale mais aussi de nombreuses sanctions directes et indirectes. Alors, si vous pensiez faire travailler illégalement quelqu’un à votre domicile, voilà à quoi vous vous exposez…

Vous êtes particulier employeur ? Attention !

Que vous trouviez cette personne grâce au bouche-à-oreille ou via une annonce sur internet, vous n’avez aucune garantie la concernant et aucune protection non plus. Même si vous avez l’impression que vous pouvez lui faire confiance, cela peut véritablement se retourner contre vous… Tout d’abord, il n’y a aucune facture, pas de contrat de travail ni fiche de paie. Cette absence de trace écrite vous empêche de faire marcher votre assurance en cas de vol, de dommage ou de malfaçon. Vous ne pouvez en effet pas prouver la présence de l’employé à votre domicile ni qu’une prestation y a bien été effectuée. De plus, quand vous demandez à quelqu'un de travailler chez vous de façon régulière, vous êtes automatiquement considéré comme un “particulier employeur” par la loi. Cela vous met dans l’obligation de respecter la Convention collective nationale des particuliers employeurs et de l'emploi à domicile (IDCC 3239), même s’il s’agit d’une ou deux heures par mois. En cas de contrôle, vous et votre employé risquez d’être condamnés à 3 ans d’emprisonnement et de payer une amende de 45 000 €. Si vous faites travailler un mineur, plusieurs personnes, une personne vulnérable ou dépendante, cela passe à 5 ans de prison et 75 000 € d’amende (articles L8224-1 et L8224-2 du Code du travail). Dans certains cas, des peines complémentaires peuvent aussi s’appliquer. Même sans contrat de travail, vous serez également dans l’obligation de verser 6 mois de salaire à votre employé en cas de rupture professionnelle (article L8223-1 du Code du travail). Et puisque vous lui avez versé son salaire de la main à la main, il peut même vous le réclamer une deuxième fois s’il fait un recours aux Prudhommes ! L’Urssaf peut aussi vous demander le remboursement des cotisations et des contributions sociales que vous auriez dû verser en tant qu’employeur, avec une majoration de 25 % qui peut passer à 40 % si la personne employée est vulnérable (article L243-7-7 du Code de la sécurité sociale). Pire encore, en cas d’accident ou de blessure, la caisse primaire d'assurance maladie peut vous obliger à rembourser ses frais médicaux (article L471-1 du Code de la sécurité sociale), ce qui peut vite chiffrer… Vous pouvez aussi être amené à lui verser une indemnisation ou une rente à vie si l’accident a entraîné un handicap. Sachant qu’il peut déclarer son accident jusqu’à deux ans après les faits (article L441-2 du Code de la sécurité sociale), le risque est un peu grand, non ?

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Comme vous le voyez, l’État ne plaisante pas avec le travail dissimulé. C’est d’autant plus dommage de prendre tous ces risques quand on sait à quel point faire appel à un.e employé.e à domicile est maintenant simple et accessible. Que ce soit via le CESU (Chèque Emploi Service Universel) ou une agence agréée, vous êtes protégé.e par la loi et assuré.e en cas de dommage ou d’accident de travail. Vous pouvez même bénéficier d’une aide très intéressante, un crédit d’impôt sur le revenu de 50 %, que vous soyez imposable ou non ! Pour vous faciliter encore les choses, l’État a mis en place l’Avance immédiate du crédit d’impôt en avril 2022. Le crédit d’impôt est désormais déduit directement de votre facture, ce qui fait qu’engager une personne en toute légalité revient au même prix que si ce n’était pas le cas. Un vrai “bon plan”, pour le coup !