Partage des tâches

Ménage, partage des tâches : à quand l’égalité ?

“Une vraie fée du logis”, “la ménagère parfaite”, “ça te sera utile quand tu seras grande”, sont des remarques qui arrivent souvent dans les oreilles des petites filles et qui peuvent sembler anodines. Pourtant, les inégalités prennent racine durant l’enfance : près d’un garçon sur deux, âgé de 8 à 16 ans, déclare que, plus tard dans son couple, c’est sa conjointe qui s’occupera de la lessive1. Les stéréotypes de genre, les publicités, les discours et l’éducation donnée par les parents continuent de jouer un rôle majeur lors de l’apprentissage des tâches domestiques. Les mentalités ont évolué, mais est-il déjà possible d’entrevoir l’égalité quand on parle de répartition des tâches quotidiennes ?

Inégalités : un cercle vicieux d’une génération à l’autre ?

En France, 80 % des femmes consacrent au moins une heure chaque jour à la cuisine ou au ménage contre seulement 36 % des hommes2. Dans cette enquête, qui a débuté en 2003, la situation n’a que très peu évolué concernant les corvées ménagères et il est légitime de se demander pourquoi, alors que le monde et la société sont en constante mutation. Nous sommes capables de découvrir une nouvelle planète située à 11 années-lumière de la Terre et de séquencer le génome humain. Pourtant, au 21e siècle, il semble encore impossible pour certain·es de remettre en question quelque chose de très simple : un schéma inégalitaire entre les sexes.

Depuis l’émergence des mouvements féministes dans les années 70, le patriarcat est désigné pour illustrer “l’oppression des femmes par les hommes” dans toutes les couches de la société. De ce système, découlent plusieurs conséquences présentes implicitement ou explicitement au quotidien : différence de salaire et de traitement, violences sexistes, remarques discriminantes, éducation genrée ou encore la célèbre charge mentale. La sociologue au CNRS, Christine Castelain Meunier, expliquait dans le magazine Psychologies que “le féminin est toujours relié, et ce, depuis des millénaires, à la sphère privée, à la famille, à l’éducation des enfants”. Dans l’inconscient collectif, être une femme serait donc une raison suffisante et en quelque sorte innée pour s’occuper des tâches domestiques. Du chemin a pourtant été parcouru depuis mai 1955, où dans le magazine américain Housekeeping Monthly et republié par le site Trendzified en 2016, un article intitulé “Le guide pour être une bonne épouse” établissait une liste de conseils à suivre pour être la ménagère parfaite. Préparer les repas, faire le ménage, s’occuper des enfants, repasser le linge, etc., et le tout avec le sourire et sans se plaindre étaient apparemment la recette du bonheur. Aujourd’hui, cela nous paraît complètement réducteur, et nul doute que ce genre de contenu soulèverait de vives réactions. Mais, quasiment 70 ans après, les choses ont-elles réellement changé ?

Les femmes françaises peuvent travailler sans demander l’accord de leur mari depuis 1965. On pourrait alors croire que le fait d’avoir un travail à temps plein aide à égaliser le temps accordé aux tâches ménagères pour chaque membre d’un couple hétérosexuel… Force est de constater que ce n’est pas le cas. Celles qui travaillent 35 heures y consacrent en moyenne 160 minutes par jour (week-end inclus) contre 105 minutes pour les hommes ayant le même temps de travail3. On constate aussi une hiérarchisation et une catégorisation des corvées domestiques : le bricolage, les petites réparations, sortir les poubelles ou faire les courses ; face au ménage, au repassage, au linge ou à la préparation des repas. Les premières ne sont pas systématiques et peuvent être réalisées ponctuellement, alors que les secondes sont répétitives et quotidiennes : on renvoie encore les femmes au rôle de responsable de la tenue du foyer et cette différence est encore plus voyante quand des enfants entrent dans l’équation.

Dès la première naissance, les écarts se creusent. Paradoxalement, les mères qui gagnent plus que leur conjoint sont aussi celles qui en font le plus à la maison ! Oui, vous avez bien lu, alors que logiquement il devrait s’agir de l’inverse… Le phénomène a été analysé par des chercheurs britanniques de l’université de Bath en Angleterre4. L’influence des normes de genre “traditionnelles” est tellement ancrée que “les couples peuvent avoir tendance à compenser dans la situation où l’épouse gagne plus que le mari” indique le docteur Joanna Syrda. Cela se traduit par l’accroissement du travail domestique : “les femmes en font plus et les hommes moins afin de compenser cette situation “anormale” en se pliant à d’autres normes plus “conventionnelles”. Ce déséquilibre est le plus significatif chez les couples mariés avec des enfants et démontre que la parentalité peut avoir un effet “traditionnalisant” sur la répartition des tâches ménagères. La chercheuse insiste aussi sur le fait qu’il s'agit d’un élément “déterminant important des inégalités de revenus entre les femmes et les hommes au cours de leur vie - un modèle une fois établi est souvent difficile à renégocier. Et ces normes peuvent être transmises à leurs enfants”.

Les parents et les personnes qui les côtoient le savent, les enfants aiment reproduire les comportements des adultes. Des gestes essentiels aux plus superflus, ils chercheraient ainsi à “répondre à une norme sociale qui fait partie intégrante de leur apprentissage naturel”5. Les jeunes générations actuelles sont donc influencées par les plus âgées, et ainsi de suite ! Pour dépoussiérer le vieux grenier des inégalités, il est donc nécessaire de faire, de montrer et d’apprendre.

Partage des tâches ménagères : les solutions d’aujourd’hui et de demain

L’égalité renvoie à une qualité d’équivalence et de parité, où chaque partie impliquée va effectuer ou bénéficier de quelque chose à parts égales. En sachant cela, peut-on l’appliquer au “travail non rémunéré” effectué au quotidien ? Passer le balai ponctuellement dans son logement concorde-t-il avec le repassage hebdomadaire du linge ? Prendre l’initiative d’effectuer certaines corvées alors qu’elles ne rentrent pas dans son planning habituel, est-ce faire un pas vers un rééquilibrage du partage des tâches ?

“Tu en as de la chance, ton conjoint t’aide”, “Tu ne devrais pas trop te plaindre, au moins il essuie la vaisselle”, “Il est fatigué après le travail, c’est normal qu’il ait plus envie de se reposer que de s’occuper de la machine à laver”. Quand on prend ces quelques exemples, il est difficile, dans un couple hétérosexuel, de les transposer au féminin. Il s’agit de croyances sociétales. Biologiquement parlant, rien n’empêche un homme de passer la serpillière ou de repasser sa chemise, et rien ne fournit aux femmes des aptitudes innées pour gérer les tâches ménagères :

  • puce Dépoussiérer ≠ féminité
  • puce Sortir les poubelles ≠ masculinité


Déconstruire les préjugés est donc essentiel pour une répartition plus égalitaire. Aider au quotidien c’est normal, ce n’est pas faire preuve de bonté ! 63 % des hommes pensent que les inégalités face aux corvées ménagères sont de l’histoire ancienne dans les foyers6 contre 47 % des femmes. Ils s’estiment plus disponibles pour les courses ou la préparation des repas, tout en obtenant une image positive d’eux-mêmes (68 %). Un sentiment qui peut s’expliquer par l’explosion de contenus dédiés à ces activités sur les réseaux sociaux ainsi qu’aux messages de félicitations souvent inscrits dans les commentaires. Il est cependant important de rappeler que les choses bougent, doucement mais sûrement.

Dans une enquête Ifop pour Consolab de 2021, plus d’une femme sur deux admettent que leur partenaire en fait “plus” que leur père. Une petite victoire à ajouter au fait que 90 % des parents souhaitent davantage donner le bon exemple en s’occupant de manière équitable des différentes tâches. Et pour sensibiliser les jeunes générations, l’éducation a un rôle extrêmement important ! Plus de 9 parents sur 10 déclarent que les filles et les garçons sont totalement égaux, pourtant ces dernières se sentent plus impliquées dans la participation ménagère. Traiter les enfants de la même manière, peu importe leur genre, en les faisant participer aux différentes corvées ménagères de façon la plus équitable possible est essentiel pour balayer les préjugés. Les plus jeunes étant toujours à la recherche d’un modèle, pourquoi ne pas montrer l’exemple au quotidien ?

Faire le premier pas à la maison, c’est bien ; que l’école et l’ensemble de la société suivent, c’est encore mieux ! La marque Ariel a lancé en 2018 la campagne #PartageDesTaches afin de sensibiliser les jeunes générations en compagnie de l’association ADOSEN. En 2017, la marque d’électroménager Indesit essayait d’encourager le public au partage des tâches à travers #DoItTogether (“faites le ensemble”), un spot publicitaire où un père de famille s'occupe des enfants et des corvées. Dans la web-série “Inversons les rôles avec Indesit”, quatre familles ont chamboulé leurs habitudes quotidiennes pendant une semaine afin de se rendre compte de qui fait quoi à la maison et de prendre conscience du travail de chacun. La charge mentale et le “ras-le-bol” ne sont pas à oublier non plus ! La député écologiste Sandrine Rousseau avait évoqué en 2022 la possibilité de créer un “délit de non-partage des tâches domestiques” : 15 % des femmes seraient prêtes à porter plainte contre leur conjoint si une telle mesure venait à être instaurée. Chez les moins de 30 ans, c’est même un motif de rupture conjugale !

En passant par une restructuration des rôles à l’échelle nationale (et internationale), on peut espérer que les choses bougeront réellement. Pour une véritable révolution ménagère, c’est dès maintenant qu’il faut agir. Cela demande des efforts, mais le rééquilibrage des tâches n’en vaut-il pas la peine ?

1 “Partage des tâches ménagères et transmission : regards croisés enfants-parents”, Ariel/Ipsos - 2019
2 Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes - 2016
3 Revue européenne de sociologie - 2019, en prenant pour base l’étude “Emploi du Temps” de l’INSEE - 2010
4 Publiée le 9 mars 2022 dans “Work, Employment and Society”
5 Étude de 2012 effectuée par l’Université d’Uppsala, Suède
6 source : Ipsos “Les Français et le partage des tâches ménagères -  2018


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